IntroductionLégende de St GeorgesLégende de Gilles de ChinLe Dragon occidentalLe Dragon orientalSt Georges@DoudouDragon@Doudou

AU CONFLUENT DE DEUX MYTHES (Suite)
Marcel-Etienne Dupret
Historien et Archéologue

Et à ce jeu kaléidoscopique d'échanges et d'emprunts mythiques, auquel il était voué par son histoire si peu historique, saint Georges n'allait pas tarder à se constituer une nouvelle stature, dans sa rencontre brutale avec une autre figure merveilleuse celle du dragon, monstrueux et fascinant.

Comment le rapprochement s'est-il opéré ? On ne sait pas grand-chose à ce sujet, dans la mesure ou les images de l'affrontement font leur apparition - au Xème ou au Xlème siècle - bien avant sa fixation textuelle, dont le jalon principal est la Légende dorée de la fin du XlIlème siècle. Il faut pourtant noter que, dans les anciens récits du martyre de saint Georges, son persécuteur avait été à plus d'une reprise qualifié de dragon ou d'animal féroce cette simple métaphore constitue sans doute le point de départ, le mot-prétexte dont le nouveau thème hagiographique a pu surgir en retournant comme autant de gants les rôles anciens.

Le martyr victorieux dans l'au-delà s'est transformé en héros vainqueur ici-bas, l'empereur bestial s'est mué en bête d'apocalypse, l'épouse baptisée dans la mort est devenue vierge rendue à la vie, sa conversion individuelle s'élargissant par ailleurs à son pays tout entier.

Une telle mutation ouvrait la porte sur un ensemble vertigineux de perspectives nouvelles.


St Michel en l'église Sainte Elisabeth à Mons. Devant la statue se trouve, justement la Châsse de Saint Georges (Voir Cérémonie Coiffe)

En particulier, elle opérait un rapprochement singulièrement efficace entre l'image du saint et celles, innombrables, des dieux et héros mythiques pourfendeurs de bêtes monstrueuses, de Persée à Rager en passant par Héraclès, Beowulf, Sigurd et Tristan.

Pour donner un exemple peu connu sans doute, mais d'un intérêt particulier, les cultures nilotiques d'Égypte, de Nubie et d'Éthiopie ne pouvaient manquer d'être sensibles à la ressemblance de saint Georges avec le dieu-faucon Horus, parfois représenté à la Basse Époque sous l'aspect d'un cavalier transperçant de sa lance le malfaisant dieu Seth, lui-même devenu crocodile (Nous développons plus ce sujet dans la suite du dossier).  De même, le motif du saint cavalier (Georges ou l'un de ses nombreux frères coptes et orientaux, Démétrios, Jacques,Victor, etc.) terrassant l'ennemi offrait un parallélisme frappant avec l'iconographie triomphale des rois sassanides, au dualisme de laquelle il avait sûrement emprunté.

Il n'est pas possible de déployer ici toute la richesse symbolique de l'autre figure du couple fantastique lié dans un combat toujours répété, à savoir celle du dragon-serpent. Cet animal, mythique par excellence, a suscité trop de récits, de réflexions et d'interprétations pour se laisser aborder sérieusement en quelques lignes. Cependant, parmi toutes les pistes ouvertes, il faut au moins rappeler l'ambivalence destructive, mais aussi fécondatrice, d'un monstre protéiforme lié aux régions aquatiques, sauvages et infertiles - marais et déserts, montagnes et cavernes.


Il faut aussi redire que le christianisme a vu, dans les sinuosités de son corps déployé, l'incarnation même du mal, diabolique et tentateur, émanation du démon que foule également aux pieds l'archange Michel. Du dragon au diable et de saint Georges à saint Michel, il n'y avait qu'un pas, vite franchi comme le soulignent tant de tableaux et de sculptures dont les sujets se confondent aisément. Ainsi, Georges incarne la victoire rêvée de la Chrétienté sur le monde païen - écrasé à moins qu'il ne soit gracié par la conversion - et sur le mal absolu. Dans ce cadre très souple, il admet toutes les variantes.


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