LÉGENDE DE GILLES DE CHIN (Suite)
Nous sommes alors vers 1130 et une bête
monstrueuse, qui a son repaire dans les marais de Wasmes, sème la
crainte dans le Borinage. Cette bête fantastique, nul ne l'a vue. Est-ce
un dragon ou un serpent immonde ? Elle s'attaque à tout qui se présente
sur son passage. Et elle dévore ses victimes !
Un jour, Gilles apprend l'existence de ce monstre qui se serait emparé
d'une petite fille de Wasmes, une « pucelette » de 4 ou 5 ans, qu'il
retiendrait captive dans son antre.
Le chevalier prend la décision d'attaquer la bête. Il invoque, avant
d'entreprendre son expédition vengeresse, Notre-Dame et lui demande de
guider son bras. Fortifié par l'assurance qu'il sortira vainqueur du
combat, il se met en route. Il est seul, à cheval, armé peut-être d'une
lance mais sûrement d'une épée, seconde « Durendal ». Et il se dirige
vers les marais de la Haine où, voici des millénaires, se sont enlisés
ces énormes mastodontes : les iguanodons, dont les squelettes ont été
retrouvés dans une mine de Bernissart.
Les péripéties du combat peuvent s'imaginer.
Gilles, arrivé au coeur du terrain spongieux, scrute l'horizon mais,
flairant une présence humaine, l'horrible dragon - car c'en est un,
crachant un feu d'enfer ! - ne tarde pas à sortir de sa retraite. Le
cheval de notre héros se cabre mais Gilles, qui fait taire sa propre
peur, a tôt fait de le calmer. |
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Et c'est
de flanc, pour se tenir à l'abri de la fournaise qui s'identifie à la
gueule de la terrible bête, qu'il attaque celle-ci, enfonce sa lance, à
plusieurs reprises, entre ses rudes écailles. Lourde et perdant du sang
en abondance, l'affreuse créature tourne sur elle-même mais le cavalier
suit le mouvement et s'obstine à harceler le corps du monstre féroce qui
s'épuise. Combien de temps dure cette lutte ? Qu'importe ! Avant que le
soir tombe, l'étrange animal, épuisé, à bout de souffle, quasiment
exsangue, reste plaqué au sol. Il vit encore. Gilles descend alors de
cheval et l'achève à l'épée avant de lui trancher la tête, qu'il
ramènera en guise de trophée.
Mais, la bête morte, il s'empresse, d'abord,
de chercher sa retraite. Elle n'est pas loin. C'est une sorte de grotte.
La « pucelette » s'y trouve. L'enfant déguenillée sourit à son sauveur
qui la place en croupe sur son cheval et la ramène à Wasmes, où on fait
fête au libérateur et à la libérée. Les manants du lieu sont désormais
délivrés de leurs craintes et, dès le lendemain, se rendront à Mons afin
de remettre, au comte, la tête du dragon.
Le preux Gilles de Chin épousera-t-il, plus
tard, la « pucelette » et celle-ci lui donnera-t-elle de nombreux
enfants ? La légende ne répond pas à cette question. Selon certains auteurs, l'exploit du preux
chevalier serait à l'origine, d'une part, du Combat dit "Lumeçon" qui se
déroule à Mons le dimanche de la Trinité, et, d'autre part, du Tour de
Wasmes, ou Procession dite de la « Pucelette », qui sort le mardi de la
Pentecôte. |